Le rythme circadien, quel impact sur notre santé ?

Le rythme circadien, quel impact sur notre santé ?

Quel est le point commun entre le sommeil, la digestion, la vigilance et la température corporelle ? Le rythme circadien ! Nous avons tous en nous une horloge interne, sorte de chef d’orchestre régissant nos fonctions biologiques et par conséquent nos comportements. De quelle manière cette horloge s’ajuste-t-elle ? À quel point est-elle importante pour notre santé ? C’est ce que nous allons découvrir dans cet article.

Qu’est-ce qu’un rythme circadien ?

Aux côtés du rythme infradien et du rythme ultradien, le rythme circadien est l’un des trois types de cycles biologiques d’un être vivant. D’une durée d’environ 24h, le rythme circadien régule de nombreux processus physiologiques comme le sommeil, la température, la pression artérielle, la production d’hormones ou le métabolisme.
Ce rythme est contrôlé par une horloge centrale, située dans l’hypothalamus et appelée noyau suprachiasmatique (NSC), et par des horloges périphériques, situées dans de nombreux tissus et organes (muscles, foie, pancréas, reins, poumons…).
Il a été démontré que ce système, que l’on résumera sous le nom d’« horloge interne », possède son propre rythme, entre 23h30 et 24h30 selon les individus. Pour être en harmonie avec son environnement et l’alternance jour/nuit, l’horloge interne se resynchronise donc constamment sur un cycle de 24h grâce à des facteurs externes, appelés « zeitgebers », et en particulier la lumière naturelle.
Concrètement, l’horloge centrale reçoit des signaux lumineux provenant de la rétine pour se synchroniser à ce cycle de 24h. Puis, elle communique avec les horloges périphériques en utilisant plusieurs voies :

  • Neuronale : envoi d’influx électriques via le système nerveux autonome (le système nerveux qui régule les fonctions involontaires du corps) directement vers les organes et tissus cibles.
  •  Hormonale ou humorale : régulation de la sécrétion d’hormones, comme le cortisol ou la mélatonine, qui vont agir à distance sur ces horloges périphériques.

Si les horloges périphériques sont influencées par ces signaux provenant du NSC, elles le sont également par d’autres zeitgebers (par exemple la présence de nutriments) et communiquent en retour avec lui.

Le système circadien permet donc, en quelque sorte, la division temporelle des fonctions physiologiques du corps afin d’en optimiser l’efficacité selon le moment de la journée, plus propice à l’activité physique ou à la récupération. Il régule des processus comme la digestion ou l’alternance veille/sommeil et pour cela, influence la sécrétion d’hormones selon le moment de la journée ou de la nuit. Ainsi la mélatonine, une hormone produite par la glande pinéale qui signale l’obscurité et participe à la régulation du cycle veille-sommeil, voit sa production débuter en fin de journée pour faciliter l’endormissement et atteindre son pic entre 2 et 4 heures du matin afin d’induire un sommeil profond (nécessaire à la récupération physique, la consolidation de la mémoire et le renforcement du système immunitaire), avant de chuter pour devenir quasiment nulle au petit matin et ainsi favoriser l’éveil ; le cortisol, quant à lui, atteint son pic au réveil pour stimuler l’énergie et la vigilance nécessaires à l’état de veille ; d’autres hormones encore influencent la faim en fonction du moment de la journée.

Selon la recherche, presque toutes les fonctions biologiques sont soumises à ce rythme circadien. En clair, le corps s’organise pour savoir quand digérer, quand se reposer, quand sécréter telle ou telle hormone selon le rythme habituel de notre horloge interne qui joue le rôle de chef d’orchestre ; si ce chef d’orchestre s’écarte trop de sa partition, par exemple si l’on dort le jour ou si l’on mange la nuit, c’est la cacophonie. Certes, notre corps est bien fait, il est capable de s’adapter à nos changements d’habitudes, mais lorsque ces changements sont trop fréquents, ou lorsque ces habitudes sont trop éloignées de notre nature d’espèce diurne, cette capacité d’adaptation est dépassée et cela peut affecter notre santé et notre bien-être sur le long terme. La synchronisation de l’horloge interne avec l’environnement est donc essentielle pour maintenir un bon niveau de santé.

Les troubles du rythme circadien : le rôle primordial du sommeil

Certaines pathologies, comme l’obésité, le diabète de type 2, les troubles de l’humeur, les troubles du sommeil et même certaines maladies neurodégénératives, ont été associées à des dysfonctionnements des horloges circadiennes. Parfois, ces dysfonctionnements sont dus à des mutations génétiques dans les gènes des horloges, mais bien souvent ce sont des facteurs externes sur lesquels il est possible d’agir qui en sont la cause.

Dans nos sociétés modernes, le manque d’exposition à la lumière naturelle diurne et, au contraire, l’exposition à la lumière artificielle nocturne, notamment celle générée par les écrans, altèrent la production de mélatonine. Cela a pour conséquence de retarder l’endormissement et donc d’exposer à une désynchronisation de nos rythmes naturels.

Une étude publiée en 1999 dans the Lancet a montré une diminution de la sensibilité à l’insuline, des altérations de la sécrétion de TSH (hormone qui stimule la thyroïde pour qu’elle sécrète les hormones thyroïdiennes) et une augmentation du cortisol nocturne après seulement six nuits de sommeil réduit à 4h par nuit. D’autres études ont montré que la restriction du sommeil entraînait une augmentation des globules blancs, principalement neutrophiles. La fonction immunitaire pourrait donc aussi être affectée par la privation de sommeil. D’autres études encore ont observé que la restriction du sommeil entraînait une augmentation des concentrations de ghréline (hormone qui stimule l’appétit), une diminution des concentrations de leptine (hormone qui contrôle la sensation de satiété) et une augmentation de l’appétit, particulièrement pour les aliments gras et sucrés. Elle influencerait donc aussi les comportements alimentaires.

Certaines personnes sont bien évidemment plus sensibles aux effets négatifs de la privation de sommeil, de nombreux facteurs entrent en jeu, et d’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre ce qui se joue, mais il est raisonnable de penser qu’un sommeil perturbé peut avoir de multiples conséquences sur la santé.

Prendre soin de son rythme circadien

Le coucher :

Voici plusieurs conseils si vous voulez améliorer la qualité de votre sommeil :

  • Dormir dans une chambre sombre, calme et fraîche (environ 18°C ; 20°C chez la personne âgée).
  • Se coucher à heure régulière, 2 à 3 heures après le dîner pour avoir terminé la digestion.
  • Respecter un temps de sommeil suffisamment long, environ 8 heures pour la plupart des gens.
  • Faire des siestes si le besoin s’en fait sentir, mais limitées à 20 minutes et pas après 15h.
  • En cas de stress pour éviter les ruminations et faire redescendre les émotions, pratiquer des exercices de respiration. Par exemple la respiration ventrale : allongé dans son lit en posant une main sur son ventre et en la sentant monter à l’inspiration et redescendre à l’expiration ; la cohérence cardiaque : 5 minutes trois fois par jour avec des inspirations de 6 secondes et des expirations de même durée. Certaines personnes apprécieront les « histoires du soir » ou les relaxations proposées par certaines applications (notamment Natflow) ou par des appareils déconnectés comme Zenspire si l’on préfère laisser le téléphone en dehors de la chambre.

La lumière :

L’exposition à la lumière est capitale pour une bonne synchronisation du rythme circadien. Là encore, il existe quelques bonnes pratiques :

  • S’exposer à la lumière naturelle du matin. À défaut, l’utilisation d’une lampe de luminothérapie peut être une aide pour les personnes qui n’ont pas la possibilité de s’exposer régulièrement. Il sera alors conseillé d’utiliser une lampe d’une puissance de 10 000 lux et classée comme dispositif médical (marques Beurer, Philips…).
  • Diminuer l’exposition à la lumière artificielle, notamment celle, bleue, générée par les écrans type téléphone, tablette et ordinateur. Pour limiter cette exposition, par exemple pour les personnes qui travaillent toute la journée sur ordinateur, l’utilisation de lunettes filtrant la lumière bleue peut être une option. Dans tous les cas, il est conseillé d’éviter ces écrans le soir et de les couper environ 2h avant l’heure du coucher pour éviter de perturber le sommeil. Certaines personnes remplacent même la lumière blanche (par exemple sur leur lampe de chevet) par des ampoules rouges en soirée, car cette couleur exciterait moins le cerveau, n’affecterait pas la production de mélatonine et aiderait à détendre le système nerveux, favorisant un sommeil récupérateur.

L’alimentation :

Les nutriments agissent comme des zeitgebers sur l’horloge interne, c’est pourquoi il sera important de prendre de bonnes habitudes :

  • Faire un dîner léger le soir, ne pas surcharger en protéines et éviter les sucres rapides (produits sucrés) qui ont tendance à énerver.
  • Privilégier les protéines et les bonnes graisses (huiles végétales type colza ou oléagineux par exemple) en début de journée afin de soutenir l’énergie et la vigilance.
  • Maintenir une régularité des horaires des repas, même en horaires décalés pour stabiliser l’horloge biologique.
  • Arrêter la prise d’excitants (thé, café, sodas riches en caféine…) à partir de 16h, 14h pour les plus sensibles. À noter que pour certaines personnes, le chocolat noir aussi peut être excitant.

L’activité physique :

Pratiquer une activité sportive est bénéfique pour la santé, permet de diminuer le stress et peut aider à compenser les effets négatifs d’un rythme circadien perturbé. Pour un bon sommeil, il est conseillé de :

  • Pratiquer son activité sportive au cours de la journée. L’idéal, c’est le matin en profitant de la lumière naturelle.
  • Éviter de pratiquer le soir ou privilégier les activités douces qui n’augmentent pas le rythme cardiaque ni la température corporelle. Pour les activités intenses, il est conseillé de les pratiquer avant 18h afin de ne pas perturber l’endormissement. Des activités basées sur des mouvements doux et des respirations peuvent, au contraire, améliorer la détente et participer à un sommeil de qualité.

Focus sur les chronotypes particuliers

Il existe une grande variabilité interindividuelle des rythmes circadiens. Certaines personnes sont dites de « chronotype matinal » car elles ont tendance à se lever et à se coucher tôt ; d’autres de « chronotype vespéral » se lèvent et se couchent tard. Le chronotype est déterminé par la génétique, mais pas seulement, les facteurs environnementaux comme l’exposition à la lumière et les horaires des repas peuvent l’influencer.

Chez le chronotype vespéral, certains conseils généraux auront du mal à trouver leur place. Si la personne souffre de ce chronotype parce que sa vie professionnelle, par exemple, lui impose de se lever tôt, elle aura tout intérêt à tenter de se resynchroniser pour tendre vers le rythme de son environnement. Pour cela, elle pourra suivre les conseils précédemment cités, notamment celui concernant l’exposition à la lumière naturelle le matin, mais de manière progressive. Elle pourra commencer par prendre un petit déjeuner, léger au début pour devenir progressivement de plus en plus complet. De même, elle pourra peu à peu réduire la consistance de son dîner (parfois on n’a pas faim le matin parce qu’on mange trop le soir) et en avancer progressivement l’horaire pour ne pas le prendre trop tard. Elle pourra faire de même avec l’heure du coucher. Ces changements peuvent se faire progressivement, par tranche d’un quart d’heure. Enfin, on lui conseillera de maintenir l’horaire du coucher les week-ends afin de renforcer son horloge biologique interne.

Chez la personne de chronotype matinal qui souffrirait de se réveiller trop tôt le matin et de ne pas tenir le soir, il existe des moyens, là encore, de se resynchroniser. En plus des conseils généraux, il sera bénéfique pour elle de s’exposer à la lumière naturelle en fin d’après-midi ou en soirée, de ne pas avancer l’heure du coucher de manière excessive et de ne pas négliger le dîner, même s’il doit rester plutôt léger pour un sommeil de qualité.

 

Le respect de notre rythme circadien est crucial pour notre bien-être global. En alignant nos habitudes de sommeil, d’alimentation, d’exercice et d’exposition à la lumière avec ce rythme naturel, nous favorisons une meilleure santé mentale et physique. Cela permet non seulement de prévenir certains troubles, mais aussi d’optimiser notre énergie, notre humeur et nos performances au quotidien. Adopter un mode de vie qui respecte ce rythme constitue un pilier fondamental pour une vie saine et équilibrée.

 

 

SOURCES :

  • https://www.inserm.fr/dossier/chronobiologie/
  • Gregory DM Potter, Debra J. Skene, Josephine Arendt, Janet E. Cade, Peter J. Grant, Laura J. Hardie, Rythme circadien et perturbation du sommeil : causes, conséquences métaboliques et contre-mesures, Endocrine Reviews , volume 37, numéro 6, 1er décembre 2016, pages 584–608, https://doi.org/10.1210/er.2016-1083
  • L'horloge circadienne et la santé humaine. Rönneberg, Till et al. Biologie actuelle, volume 26, numéro 10, R432 - R443. http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2016.04.011
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